FOOTBALL Le milieu de terrain de l’équipe de France a réalisé une nouvelle performance de mammouth mercredi soir, face au Maroc, en demi-finale de la Coupe du monde
De notre envoyé spécial à Al-Khor,
Toute la question est de savoir où. Ben oui, où est-ce qu’on va ériger la statue en l’honneur d’Antoine Griezmann, enfin nommé homme du match dans cette compétition, après sa performance XXXXXXXL en demi-finale face au Maroc, mercredi. Sa première nomination depuis le début de la compétition, lui, l’homme de l’ombre qui n’a jamais aussi mal porté son nom tant il s’approprie toute la lumière dans la nuit qatari. Paradoxalement, c’est le soir où il n’aura pas été décisif à proprement parler, par un but ou une passe décisive, que l’enfant de Mâcon est récompensé.
Et c’est tant mieux serait-on tenté de dire, car ce trophée rétablit un peu de justice en récompensant ceux que le football a trop souvent l’habitude d’ignorer, les besogneux de la terre du milieu, ceux sans qui les attaquants ne seraient rien. Et dans un match où nos attaquants ont été si peu en vue, ça arrive, et où l’équipe adverse l’aura trop été, il fallait bien un Griezmann de ce niveau pour hisser les Bleus là où ils voulaient aller. Depuis son canapé en cuir de vachette, à Madrid, il y a fort à parier que Diego Simeone y est allé de sa petite larmichette mercredi soir en constatant de ses propres yeux l’accomplissement plein et entier, à la fois de son joueur, mais aussi de sa philosophie du football.
Il y a quelque jour, quand on a demandé à Jules Koundé en conférence de presse si le Barça n’allait pas regretter d’avoir cédé le Français à l’Atletico de Madrid, le garçon a sorti son joker. Etant plus libre que lui de répondre à cette question, puisque ce ne sont pas les culés qui nous rémunèrent grassement chaque mois, on va le dire : oui, les Blaugranas ont de quoi se les bouffer en paella. Même s’il est permis de douter qu’un joueur comme Griezmann puisse vraiment s’épanouir dans une équipe comme Barcelone, qui se réclame trop du beau football et pas assez des basses besognes. Or, force est de constater que c’est dans des équipes à la dure que l’ancien de la Real Sociedad exprime le mieux son talent.
Si l’on osait – et on va le faire – on irait jusqu’à dire que le joueur qui évolue sous nos yeux depuis un mois avec l’équipe de France est le prototype même du footballeur ultime. A la fin de la rencontre, son pote Paul Pogba l’a carrément affublé d’un nouveau surnom qui va dans le sens de notre réflexion : « Griezmannkante ». Tantôt chef d’orchestre ou métronome, tantôt quarterback américain, quand il n’est pas dans sa propre surface à dégager le danger comme ce fut le cas à de nombreuses reprises mercredi (57e, 63e, 93e), on le retrouve aux avant-postes à donner l’avant-dernier ballon de but à Mbappé sur l’ouverture du score de Théo Hernandez.
Machine à laver sur pattes, capable de transformer les ballons les plus dégueulasses et de vous les rendre immaculés sur un plateau avec une paille et une rondelle de citron, non, franchement, ce garçon sait tout faire. D’où cette question : A-t-on sincèrement vu joueur plus complet et impactant sur le jeu de l’équipe depuis le départ à la retraite de Zinédine Zidane. Alors ? On attend… Voilà, c’est bien ce qui nous semblait. Plus que les chiffres, qui parlent déjà d’eux-mêmes, c’est la comparaison avec les autres qui donne véritablement une idée de sa domination tout terrain.
« Antoine est un joueur qui ne calcule pas ses efforts, il a encore été remarquable aujourd’hui, convenait Jules Koundé en zone mixte après le match. Il a un gros abattage, il bouche les trous. A chaque fois qu’il a le ballon, il essaye d’éclairer le jeu et le fait plutôt bien. On est très content pour lui et pour nous qu’il soit à ce niveau. » Pour Aurélien Tchouaméni, son compère au milieu, Griezmann « montre durant cette Coupe du monde qu’il est un top joueur mondial ». « On est content pour lui parce qu’il a été beaucoup critiqué ces derniers temps, ajoute-t-il. Il est en train de montrer toutes ses qualités, c’est super important de l’avoir dans l’effectif. »
Comme s’il était besoin d’en rajouter, le numéro 7 tricolore est aussi quelqu’un dont la voix compte auprès du sélectionneur. Conscient du gros problème de déséquilibrage de l’équipe de France côté gauche au retour des vestiaires, du fait combiné de l’absence d’Adrien Rabiot et de la non-volonté de redescendre Mbappé de couper les lignes de passes marocaines, Griezmann alerte Deschamps avant qu’il ne soit trop tard. Dans la minute qui suit, le sélectionneur sort Giroud, replace Mbappé dans l’axe et fait entrer Marcus Thuram, dont l’apport s’est instantanément fait ressentir.
A voir son teint livide, sa mine sérieuse et son discours carré quand il s’est présenté, en chaussettes, dans la zone mixte du stade d’Al-Bayt, on a compris trois choses. La première, c’est qu’il était vidé (combien de kilos peut-il perdre par match ? C’est une vraie question qu’on se pose), la seconde, c’est qu’on a retrouvé le Griezmann de la grande époque, loin de celui qui traînait sa peine ces deux dernières saisons en Catalogne ; la troisième c’est qu’il est concentré comme jamais sur l’objectif qu’il s’est fixé avec l’équipe, celui d’aller chercher une deuxième étoile en quatre ans, ce qu’aucune autre nation n’a fait depuis le Brésil (58-62).
« Après le match contre la Belgique [en demi-finale en 2018], je pleurais… Là, je suis plus concentré, je pense déjà à dimanche, j’ai les pieds sur terre, nous a-t-il assurés. Il faudra être focus, bien récupérer et préparer le match de contre l’Argentine dès demain [jeudi]. » Ce duel face à l’Albiceleste de Leo Messi s’annonce en tout point épique car, en plus du titre suprême que vont se disputer les deux équipes, celui de meilleur joueur de la compétition va aussi se jouer là. Alors, Griezmann, Messi, Mbappé ? Ne nous demandez pas notre avis, on vient déjà de vous le donner.
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