Emmanuel Macron a-t-il changé d’adversaire ?
Qui est le premier adversaire politique du chef de l’État ? La gauche ou le Rassemblement national ? Depuis quelques jours, les dirigeants de la majorité pilonnent la France Insoumise. Emmanuel Macron l’accuse de vouloir “délégitimer” les institutions. Le ministre de l’Intérieur, Gerald Darmanin, fustige, lui, dans le Journal du dimanche, un “mouvement qui prend la pente de cette ultragauche des années 1970“. Comprenez, une gauche qui soutient la violence, et qui veut une “révolution“.
Sur la violence, la France insoumise est-elle claire ? Quand des policiers commettent des violences, Jean-Luc Mélenchon les dénonce. Quand ce sont des manifestants, ou de pseudo-manifestants, il est très discret. Par conviction ou par stratégie. Pour ne pas s’aliéner une partie de ses électeurs. Il rejette toute la faute… sur le chef de l’Etat. Pour autant, cherche-t-il à abattre les institutions ? Ce n’est pas son programme. La France insoumise vante la révolution, mais une “révolution citoyenne”. Les politiques adorent jouer avec ce mot – révolution. Vous rappelez-vous le titre du livre d’Emmanuel Macron, en 2016 ? Révolution !
Longtemps, Emmanuel Macron a renvoyé dos à dos La France insoumise et le Rassemblement national, tous deux qualifiés d'”extrêmes“. Mais ses coups les plus durs, il les portait contre Marine Le Pen, sa principale rivale. Il l’a affrontée deux fois au second tour de la présidentielle, en l’accusant de menacer nos institutions. Ainsi, sur France Inter, le 22 avril 2002 : “Quand on a un projet qui consiste à interdire le voile, le foulard, dans l’espace public (….) et quand on a un projet qui consiste à ne pas respecter la Constitution (…), je pense que les fondamentaux de l’extrême-droite sont là“.
Un an après, la cible a changé. Dans le discours de la majorité, la menace est toujours là. Mais elle vient d’abord… de la gauche. Il y a quelques jours, sur France Info, la députée Prisca Thevenot, porte-parole de Renaissance, dénonçait ainsi La France insoumise, “premier groupe d’opposition à nos institutions”. Selon la parlementaire, “il va falloir qu’on puisse se le dire tranquillement, mais avec fermeté“.
Cette stratégie a deux buts. Elle permet d’abord de fracturer un peu plus la NUPES. La gauche se déchire, et si Emmanuel Macron peut la déchirer davantage, il le fera avec plaisir. Dimanche, des élections législatives partielles avaient lieu dans le département de l’Ariège. Une candidate socialiste dissidente, Martine Froger, affrontait la candidate officielle de La France insoumise – et de la Nupes -, Bénédicte Taurine. Martine Froger a gagné, avec de nombreux soutiens… dont celui du parti présidentiel. Ensuite, la majorité tend la main à la droite. À ses députés, dont elle a besoin ; et à ses électeurs. Elisabeth Borne est chargée d’élargir la majorité, qui est fragile. Fustiger “l’extrême-gauche“ou “l’ultragauche“, ça marche toujours.
Ce faisant, les partisans du chef de l’Etat ont-ils cessé de combattre le RN ? Il y a quelques mois, la députée Astrid Panosyan-Bouvet avait dénoncé “l’ADN xénophobe vieux de 50 ans” du parti de Marine Le Pen. L’élue est une des cofondatrices d’En Marche. Pour ces propos, à l’Assemblée nationale, elle avait été rappelée à l’ordre. Aujourd’hui, quelle est la priorité de la majorité ? Combattre d’abord La France insoumise, en l’accusant de saper les fondements de la République ? Quitte à laisser dans l’ombre le Rassemblement national ? C’est exactement ce qu’attend Marine Le Pen.
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