Dans une analyse de la politique étrangère d’Emmanuel Macron, “The Economist” dissèque la méthode “musclée” du chef de l’État pour redorer le blason de l’Hexagone sur le continent européen et dans le monde. Mais l’hebdomadaire britannique pointe du doigt ses limites dans la mise en œuvre de certaines idées, ses détracteurs lui reprochant son unilatéralisme.
Le 8 février 2022, l’avion présidentiel français quittait Moscou pour Kiev avec, à son bord, un Emmanuel Macron à la fois plein d’espoir et précautionneux. La nuit précédente, il avait passé plus de cinq heures à bonne distance sociale de Vladimir Poutine, à l’autre bout d’une table de la longueur d’un conteneur.
Leur échange avait été tendu, a raconté le dirigeant français, mais M. Poutine avait juré que la Russie “ne causerait pas d’escalade”. Deux semaines plus tard, les chars russes entraient en Ukraine, déclenchant le plus grand conflit en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale et montrant l’inutilité de l’intervention de M. Macron.
Dans toute l’Europe, les chefs d’État sont confrontés aux conséquences de la guerre menée par la Russie. En France, elle a mis en évidence l’ambition de M. Macron de garder son pays, de taille moyenne, assis à côté des géants à la table diplomatique, et la difficulté d’y parvenir. Sur de nombreux plans, l’Europe s’est mise au diapason du président français : elle se réarme, s’affirme et apprend à parler la langue du pouvoir. Mais lorsqu’il s’agit de questions cruciales, notamment l’avenir de sa sécurité, elle n’est pas toujours convaincue par les idées de M. Macron.
On ne peut rien reprocher à la conscience professionnelle du chef d’État français. Il n’arrête pas d’envoyer des textos à ses homologues et a déjà reçu les présidents de 16 pays à Paris depuis le début de l’année. Il doit également se rendre en Chine en avril pour rencontrer Xi Jinping, ce qui fera de lui le premier dirigeant du G7 à le faire cette année (il veut notamment appeler Pékin à faire pression sur Moscou pour arrêter la guerre en Ukraine). Il vient d’achever une tournée de 4 pays d’Afrique. Le 10 mars, il a accueilli le Premier ministre britannique, et attend la visite de Charles III, qui a choisi la France pour son premier déplacement à l’étranger [du 26 au 29 mars] en tant que roi.
Le président français a dans les mains des leviers d’influence dont ne dispose aucun autre membre de l’Union européenne. Son pays occupe un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, figure parmi les plus grandes puissances militaires du monde et possède l’arme nucléaire. Ses territoires ultramarins et leurs bases militaires s’étendent des Caraïbes au Pacifique. Avec 264 ambassades et missions, la France est à la tête du troisième réseau diplomatique du monde après la Chine (275) et les États-Unis (267).
Tout ce que fait le président français est lié à sa théorie sur la marche du monde. Il aime parler de “grand bouleversement”, entendant par là la fin de l’ordre mondial unipolaire dominé par les États-Unis apparu après la guerre froide, et son remplacement par un ordre plus fragmenté et une nouvelle période de rivalités entre grandes puissances. Dans l’esprit de M. Macron, explique l’un de ses conseillers, la meilleure réponse à ce changement est davantage de “souveraineté”, c’est-à-dire “renforcer notre capacité à décider pour nous-mêmes et nous donner les moyens de continuer à le faire”.
M. Macron et son entourage pensent que l’invasion de la Russie confirme leur vision des choses. Lorsqu’il l’a lancé en 2017 dans un discours prononcé à la Sorbonne, son appel à “la souveraineté européenne” a résonné comme un vœu aussi noble qu’abstrait. Il est beaucoup plus concret dans un monde où l’Europe ne parle plus seulement de réglementations, de commerce et de paix mais aussi d’armes, d’autonomie
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Grande institution de la presse britannique, The Economist, fondé en 1843 par un chapelier écossais, est la bible de tous ceux qui s’intéressent à l’actualité internationale. Ouvertement libéral, il défend généralement le libre-échange, la mondialisation, l’immigration et le libéralisme culturel. Il est imprimé dans six pays, et 85 % de ses ventes se font à l’extérieur du Royaume-Uni.
Aucun des articles n’est signé : une tradition de longue date que l’hebdomadaire soutient par l’idée que “la personnalité et la voix collective comptent plus que l’identité individuelle des journalistes”.
Sur le site de The Economist, outre les principaux articles du journal, on trouve d’excellents dossiers thématiques et géographiques faits par The Economist Intelligence Unit, ainsi que des contenus multimédias, des blogs et le calendrier des conférences organisées par le journal à travers le monde. En prime : la mise à jour régulière des principaux cours de la Bourse.
La couverture du magazine peut varier selon les éditions (Royaume-Uni, Europe, Amérique du Nord, Asie), mais le contenu est le même ; au Royaume-Uni, cependant, quelques pages supplémentaires traitent de l’actualité nationale.
The Economist appartient pour 43,4 % à la famille italienne Agnelli, le reste du capital étant réparti entre de grandes familles britanniques (Cadbury, Rothschild, Schroders…) et des membres de la rédaction.
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