Ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA), Dov ZERAH a été directeur des Monnaies et médailles. Ancien directeur général de l’Agence française de développement (AFD), il a également été président de Proparco, filiale de l’AFD spécialisée dans le financement du secteur privé et censeur d’OSEO.
Auteur de sept livres et de très nombreux articles, Dov ZERAH a enseigné à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), à l’ENA, ainsi qu’à l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC). Conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine de 2008 à 2014, et à nouveau depuis 2020. Administrateur du Consistoire de Paris de 1998 à 2006 et de 2010 à 2018, il en a été le président en 2010.
Cette rencontre a marqué une nouvelle page dans les relations franco-britanniques qui devait être confortée en grande pompe par la 1ère visite à l’étranger du Roi Charles III, vingt jours plus tard, mais annulée à cause de la situation intérieure française.
Le déroulement du premier événement et la concomitance des deux déplacements en France ont conduit tous les commentateurs de part et d’autre de la Manche de parler de « nouvelle Entente cordiale ».
L’expression est utilisée pour la 1ère fois le 3 septembre 1843 avec la visite de la Reine Victoria au château d’EU ; cette rencontre fut suivie l’année suivante de la réception du Roi Louis-Philippe au château de Windsor. Ces retrouvailles franco-britanniques s’expliquent par :
La realpolitik. Trente ans après Waterloo, le temps était venu de tourner la page des guerres napoléoniennes. Le Royaume-Uni et la France étaient alors les deux premières nations à avoir réalisé la 1ère révolution industrielle et s’affirmaient au-delà des océans. Pour éviter de se faire la guerre et poursuivre les deux expansions économique et territoriale, le dialogue était indispensable.
La famille. En épousant le Prince Albert Saxe de Cobourg, neveu de Léopold de Belgique, premier Roi des Belges, gendre de Louis-Philippe par sa fille Louise d’Orléans, des liens familiaux ont rapproché les familles royales.
Ce rapprochement n’entraine aucun engouement populaire, le peuple français ayant beaucoup de mal à oublier les différends entre Capétiens et Plantagenets, la guerre de Cent ans, Jeanne d’Arc, Trafalgar, Waterloo ainsi que l’exil et l’emprisonnement de l’Empereur ; néanmoins, il ne va cesser de s’approfondir tout au long du XIXème siècle avec la guerre de Crimée (1853-1856) pour faire face déjà à l’expansionnisme russe, l’accord de libre-échange de 1860 destiné à supprimer les barrières douanières entre les deux pays, la guerre de Crimée, le partage de l’Afrique malgré Fachoda…
La réunification allemande en 1866, la défaite française en 1870, et la perte de l’Alsace-Lorraine constituent pour la France un puissant incitateur de trouver un allié pour contrebalancer la puissance économique et militaire allemande. Comme de coutume, le Royaume-Uni intervenait sur le continent pour éviter la prédominance d’un des principaux pays ; par ailleurs, Londres appréciait peu le développement de la marine allemande qui contestait sa suprématie sue les mers et océans. De même, l’Empire britannique appréhendait l’affirmation allemande écartée d’Afrique avec le Congrès de Berlin de 1885.
À l’initiative de Paul CAMBON et de Léon GEOFFRAY, le Royaume-Uni et la France ont signé le 8 avril 1904 une série d'accords bilatéraux, désignés sous le nom d'« Entente cordiale », résolvant plusieurs contentieux : un protocole sur les droits de pêche français au large de Terre Neuve, un sur la reconnaissance réciproque de la domination britannique sur l’Égypte et du protectorat français sur le Maroc, et un troisième sur les sphères d'influences respectives au Siam, et entérinant la souveraineté française sur Madagascar.
Le 31 août 1907, Britanniques et Russes signèrent un accord délimitant leurs sphères d'intérêts respectives en Afghanistan et en Perse. La conjugaison de cet accord avec l’alliance franco-russe de janvier 1892 constitua « la Triple Entente », contrepoids à « la Triple Alliance » de l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et de l’Italie.
Cette Entente cordiale s’est consolidée avec les millions de morts des deux guerres mondiales, le partage du Proche-Orient avec la Accords SYKES-PICOT et a failli aboutir à la fusion franco-britannique en un seul État combattant préconisée par CHURCHILL et de GAULLE.
N’oublions pas que Guillaume de Normandie, également dénommé « Guillaume le Conquérant », après la victoire de Hasting en 1066, s’est installé sur le trône britannique ; la proximité des deux familles régnantes explique la revendication britannique sur le trône de France et la guerre de Cent ans.
Même si Mers El Kébir a ravivé en France l’acrimonie à l’égard de la perfide Albion, l’accueil de « la France libre » à Londres et le courage britannique contre l’Allemagne nazi ont renforcé la relation franco-britannique.
Mais le désamour a refait surface avec le refus du Général de GAULLE à l’entrée du Royaume-Uni dans la Communauté économique européenne (CEE), et avec l’attitude britannique au sein de l’Union européenne qui a fini par aboutir au BREXIT. ; les Anciens ont encore en mémoire le fameux « I want my money back » de Margaret THATCHER au sommet de Fontainebleau en 1984.
Aujourd’hui, la pandémie et l’invasion russe de l’Ukraine ont redistribué toutes les cartes et modifié les stratégies de tous les pays. Le Président français et le Premier britannique tirent les conséquences de trois événements particuliers :
L’échec du BREXIT
Jour après jour, la liste des inconvénients consécutifs au BREXIT ne cesse de s’allonger :
Le Royaume Uni a perdu des institutions européennes jusque-là installées sur son sol
Le cœur boursier européen a quitté Londres pour retourner sur son lieu de naissance, Amsterdam
La livre sterling a perdu 15 % en passant de 1,31 € à 1,13 €, malgré la dépréciation de l’euro
Au-delà des effets de la pandémie, les échanges commerciaux avec le reste du Monde se sont ralentis dans l’attente de la négociation et de la mise en place des accords commerciaux pour remplacer ceux conclus par l’Union européenne ; le pays est ainsi confronté à de nombreuses pénuries.
Les Britanniques ont cru créer une relation privilégiée avec le « Grand large américain », mais ni TRUMP, ni BIDEN n’a repris la main tendue par Londres.
Depuis le BREXIT, le Royaume-Uni a du mal à définir un nouveau modèle de développement, a connu 4 Premier ministre… et a surtout dû faire face en octobre 2022 à une grave crise de défiance des marchés financiers… Au-delà des problèmes économiques, le pays traverse une crise sociale avec grèves et conflits sociaux…
L’invasion russe de l’Ukraine
La violation de l’intégrité territoriale ukrainienne constitue un nouveau marqueur des relations internationales avec un affrontement armé entre la Russie et l’OTAN par Ukrainiens interposés. Le conflit risque de durer car la Russie ne peut accepter de perdre et l’OTAN qui soutient à bout de bras l’Ukraine ne peut laisser POUTINE triompher.
Dans ce contexte, Londres et Paris retrouvent leur traditionnel combat contre les autocraties ainsi que pour la défense de la liberté et du respect du droit international.
Les choix unilatéraux allemands entrainent des sujets de divergences :
L’accord passé en mars 2016 par Angela MERKEL avec ERDOGAN qui le charge de retenir les réfugiés sur son territoire en échange de milliards de Bruxelles. Même si elle n’avait pas prévenu préalablement ses partenaires européens, la Chancelière leur a fait accepter cet accord qui a mis l’Europe dans un état de dépendance vis à vis d’Ankara.
Militaires, avec 100 Md€ pour la modernisation et l’équipement de l’armée allemand, mais avec des achats américains ; la mise en place d’un bouclier anti-missiles avec 14 pays européens, mais sans la France à ce stade, et avec des matériels américano-israéliens.
La dépendance au gaz russe. La guerre en Ukraine a entrainé une crise énergétique qui a redonné une nouvelle jeunesse à l’énergie nucléaire. Mais, outre-Rhin, on n’hésite pas à recourir au charbon et au lignite pour pallier le manque de gaz russe, sans se soucier des effets négatifs sur l’environnement. par ses décisions unilatérales de se mettre dans la dépendance du gaz russe, l’Allemagne porte une lourde responsabilité dans la crise énergétique, et demain environnementale, sans oublier les conséquences économiques.
Dans ce contexte de difficultés des relations franco-allemandes, Berlin reproche à Paris son manque d’enthousiasme à l’élargissement aux pays balkaniques. Sans sous-estimer les problèmes de gouvernance et de corruption dans ces pays, tout nouvel élargissement pourrait sonner le glas de toute perspective d’une Europe politique. Personne ne peut contester que l’élargissement aux pays de l’Est européen a profondément perturbé le processus décisionnaire communautaire sans oublier les blocages régulièrement occasionnés par les autorités hongroise et polonaise.
Au-delà des évolutions géopolitiques, le rapprochement franco-britannique se justifie aussi par de nombreux sujets communs :
La défense du droit international et de la liberté avec l’Ukraine aujourd’hui comme déclinaison, demain la Chine,
La lutte contre l’immigration clandestine à travers la Manche,
La politique énergétique,
La coopération militaire importante depuis de nombreuses années, et surtout après le Traité de Lancaster House de 2010…
Quelles que soient les remises en cause de la globalisation, un pays, dans notre monde global, ne peut avoir une stratégie solitaire ; il se doit de bâtir un réseau d’alliances.
Ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA), Dov ZERAH a été directeur des Monnaies et médailles. Ancien directeur général de l’Agence française de développement (AFD), il a également été président de Proparco, filiale de l’AFD spécialisée dans le financement du secteur privé et censeur d’OSEO.
Auteur de sept livres et de très nombreux articles, Dov ZERAH a enseigné à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), à l’ENA, ainsi qu’à l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC). Conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine de 2008 à 2014, et à nouveau depuis 2020. Administrateur du Consistoire de Paris de 1998 à 2006 et de 2010 à 2018, il en a été le président en 2010.
En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.
Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !